Publié dans le magazine Books n° 99, juillet/août 2019. Par Paolo Rumiz.
Le musicien Mario Brunello fait résonner son violoncelle dans la forêt de Paneveggio, dans le nord de l’Italie. C’est là d’où vient le bois qui servit à confectionner son instrument, il y a quatre siècles et demi.
Un homme avec son violoncelle et une forêt de sapins couverte de neige. L’instrument a plus de quatre siècles, il est fait du bois de cette forêt. L’homme l’appuie contre un tronc, enfonce de biais la virole dans l’écorce. Il accorde son violoncelle, attaque une suite de Bach. Il fait sonner des notes basses dans la caisse en bois, explore avec patience, sonde jusqu’à ce qu’il se passe quelque chose. L’arbre – un géant de 30 mètres – réagit. Il se réveille, résonne dans toutes ses fibres, devient un prolongement du luth. Plus encore. La moitié de la forêt joue, répète ces vibrations comme si elle les savait par cœur. Elle reconnaît la voix de son ancêtre.
Le premier soleil sort des Pale di San Martino, la forêt fait de la musique. C’est celle-là même où Stradivari a pris le bois de ses violons. La forêt de Paneveggio, entre le Passo Rolle et le Val di Fiemme, dans le Trentin. Le cœur enchanté des Monti Pallidi. Il n’y a aucun autre bruit. Tout se tait, le pic,...