Publié dans le magazine Books n° 51, février 2014. Par Anthony Daniels.
Le lecteur qui s’interroge sur la compatibilité de l’islam avec la démocratie oscille généralement entre deux peurs : succomber au manichéisme facile des islamophobes et être la dupe des extrémistes qui souhaitent la chute des sociétés libérales. La foule des livres disponibles sur le sujet, en se contredisant allègrement les uns les autres, l’aident-ils à y voir plus clair ?
Quand j’étais étudiant, voici près d’un demi-siècle, nul ne jugeait utile de s’initier à l’islam, sinon dans le cadre universitaire. Ce culte nous paraissait aussi éloigné de nous que la religion des Aztèques. Et, contrairement au marxisme, il paraissait n’avoir rien d’intéressant à dire au monde moderne ou à son sujet. Si l’on nous avait interrogés, nous aurions évoqué un anachronisme voué soit à s’éteindre, soit à devenir une simple conviction personnelle, un peu comme le catholicisme en France. Même pour des non-marxistes, le triomphe final de la sécularisation paraissait inéluctable.
En voyage dans les pays musulmans, nous ne décelions aucune menace, seulement une différence exotique de mode de vie qui irait forcément en s’atténuant avec le temps. La Révolution blanche du shah d’Iran était non seulement à nos yeux la voie de l’avenir, mais aussi, indépendamment du sort que l’avenir réserverait à Sa Majesté impériale, une trajectoire irréversible : on ne fait pas d’œufs avec une omelette.
Plusieurs décennies plus tard, notre appréhension est tout autre. Il ne se passe pas une semaine sans que...