Publié dans le magazine Books n° 42, avril 2013. Par Zakhar Prilepine.
Méli-mélo de fiction et de réalité, sans égard pour les personnes, le Limonov de Carrère est un patchwork d’un genre douteux, distillant les stéréotypes sur la Russie.
Nous allons encore prononcer une banalité mais, bon Dieu, l’Européen moyen exerce de moins en moins de charme. Il nous paraissait si profond, si subtil, si libre. Pas comme nous et, surtout, pas comme nos parents… Eh bien, j’ai lu le livre d’Emmanuel Carrère sur Limonov. C’est comme ça qu’il s’appelle :
Limonov [lire « Russie : L’État-mafia, Books
, novembre 2011].
Oui, Carrère a écrit un livre très alerte et, dans l’ensemble, captivant. Le plus intéressant, c’est la voix de Carrère lui-même, ses observations personnelles, au-delà de Limonov. Pour cela, les trente premières pages sont les plus fortes.
Plus loin, on passe à l’exposé parfois presque mot pour mot des livres de Limonov lui-même (au début en détail, ensuite sur un rythme de plus en plus précipité) ; ce que tout lecteur d’Edouard Benjaminovitch trouvera, évidemment, un peu pesant.
Carrère s’obstine à qualifier son livre de « roman » bien que, par la forme, il s’agisse d’une biographie tout à fait traditionnelle –...