Au départ, Robert Menasse voulait écrire un roman sur l’Europe, avec pour héros un fonctionnaire de la Commission de Bruxelles. Il est donc parti enquêter sur le terrain quelques mois. Il partageait la plupart des préjugés contre la bureaucratie bruxelloise. Quelle ne fut pas sa surprise « de constater, comme le rapporte Beat Ammann dans le
Neue Zürcher Zeitung, que les eurocrates tant décriés sont d’authentiques Européens, polyglottes, éclairés, travailleurs et amusants ». La nature de son projet s’en est trouvée bouleversée. Le roman critique est devenu un essai à la gloire de l’Union européenne. Ce qui ronge cette dernière, ce n’est pas sa Commission, ni son Parlement. À en croire Menasse, l’ennemi, c’est le Conseil de l’Europe, c’est-à-dire les États. « Ce sont les représentants des intérêts nationaux qui empêchent une politique véritablement européenne », note Ammann. Précisons que Menasse est autrichien. Il voit dans la bureaucratie bruxelloise « une version 2.0 » de celle du défunt empire des Habsbourg. Un modèle d’État supranational.