Publié dans le magazine Books n° 43, mai 2013. Par Willibald Sauerländer.
Qu’il s’agisse de la politique ou de l’argent, les lithographies du caricaturiste sont d’une troublante modernité. Mais pourquoi cette forme d’art a-t-elle quasiment disparu ?
Le département des arts graphiques de la Pinacothèque de Munich vient de faire une acquisition remarquable : plus de trois mille lithographies et trente gravures sur bois produites par Honoré Daumier entre 1833 et 1872, période de troubles politiques et sociaux, entre le règne de Louis-Philippe, le roi-citoyen, et la IIIe République. Si on les ajoute aux plus de sept cents lithographies que possédait déjà le musée, cela en fait la plus importante collection de ses gravures en Allemagne – où le caricaturiste français est souvent exposé – et bien peu d’autres collections pourraient rivaliser. Malgré leur popularité, on se borne souvent à trouver ces œuvres amusantes, et l’on passe à côté de leur signification politique explosive, à côté aussi de la perspicacité du physionomiste. Les gravures de Daumier reflètent une culture populaire critique aujourd’hui largement oubliée.
À la veille de la révolution de juillet 1830, la police du régime de Charles X, voué à disparaître, confisqua les presses des journaux libéraux et radicaux. L’exigence de liberté formulée par les gazettes fut l’un des principaux motifs du soulèvement qui chassa du trône le dernier monarque Bourbon...