Steinbeck, un homme en colère
Publié le 13 octobre 2020. Par Pauline Toulet.
« Franchement, non. » C’est ce que répondit John Steinbeck à un journaliste qui lui demandait, en 1962, s’il pensait mériter le prix Nobel de littérature qu’il venait de recevoir. L’auteur des Raisins de la colère avait tort de dénigrer son œuvre, puisque, une cinquantaine d’années après sa mort, elle continue d’être lue et abondamment étudiée. En témoigne Mad at the World, la nouvelle biographie que consacre William Souder à l’écrivain américain.
Une nouvelle biographie de Steinbeck
Naturellement, d’autres avant lui se sont penchés sur la vie de Steinbeck. Notamment un certain Jackson Benson, dont la biographie monumentale, John Steinbeck, Writer (1990), a longtemps fait autorité. Mais William Souder, auteur de deux biographies remarquées – l’une du naturaliste Jean-Jacques Audubon et l’autre de la biologiste marine Rachel Carson – apporte sa pierre à l’édifice en proposant une nouvelle grille de lecture de la personnalité de Steinbeck. Un perpétuel sentiment de colère serait au cœur de son processus d’écriture, avance le biographe.
Colère contre l’injustice, contre l’individualisme forcené et le pouvoir de l’argent, colère aussi contre les importuns qui venaient troubler sa chère solitude et colère encore, contre lui-même cette fois, lorsqu’il ne parvenait pas à écrire. « Steinbeck était en proie à deux élans contradictoires qui nourrissent le livre de Souder : l’extrême méfiance que lui inspirait le succès et une indéfectible ardeur au travail, celle-là même qui l’a mené au succès », note Sam Sacks dans The Wall Street Journal.
Les élans contradictoires de l’écrivain
Alexander C. Kafka salue le travail du biographe, qu’il qualifie dans The Washington Post de « rigoureusement documenté, nuancé, clair et sans grandiloquence ». L’écrivaine américaine Brenda Wineapple, quant à elle, émet quelques réserves. « Souder se perd parfois dans des généralités sur les écrivains ou l’écriture. “La solitude, c’est le lot de l’écrivain”, nous apprend-il. Et il ferme les yeux sur le machisme de Steinbeck et son mépris pour les sentiments de la plupart des femmes », regrette-t-elle dans The New York Times. Steinbeck n’a pas l’apanage de la colère, semble-t-il.
À lire aussi dans Books : La grande traversée des Noirs américains, décembre 2010/janvier 2011.