Publié dans le magazine Books n° 60, décembre 2014. Par Kishwar Desai.
Loin d’avoir amélioré la situation des femmes, la croissance indienne a accusé les tensions dont elles sont les premières victimes. On tue plus que jamais dans l’œuf les bébés filles, synonymes de dot ruineuse ; on loue au meilleur prix le ventre des plus pauvres pour la gestation des enfants des autres ; quant à la frustration sexuelle et sociale ressentie par les jeunes laissés-pour-compte du miracle, elle explique la multiplication des viols.
Les intrigues de vos romans policiers tournent toujours autour de femmes victimes de violences. Comment en êtes-vous venue à privilégier cette thématique ?
Quand j’étais journaliste de télévision, notamment pour la chaîne publique Doordarshan, je suivais surtout les affaires internationales et la politique indienne. Je me suis alors rendu compte que de nombreux sujets étaient liés, de près ou de loin, à la condition des femmes, à leur assujettissement ou à leur difficile émancipation. Je suis née au Pendjab, un État prospère du nord-ouest du pays où le meurtre des petites filles est un phénomène presque banal, profondément ancré dans les mœurs. Encore bébés, elles sont jetées dans un puits, ou empoisonnées à l’opium. J’ai souvent entendu ce genre d’histoires et cela m’a mise en rage : dans ce pays qui se présente comme une nouvelle superpuissance économique, comment peut-on traiter les femmes de cette façon ? J’ai décidé de commencer à écrire cette série de romans policiers, dont le premier volume porte précisément sur l’infanticide des filles.
Pourquoi avoir choisi d’écrire de la...