Publié dans le magazine Books n° 69, octobre 2015. Par Robert Zaretsky.
Un grand historien et biographe français continue de croire que Mitterrand possédait un soupçon de sincérité ou de foi socialiste, tout en faisant le récit dévastateur d’une vie tout entière dédiée au pouvoir. La gauche garde la nostalgie d’une France qui n’a jamais pu exister, gouvernée par un homme qui n’a jamais été ce que ses partisans croyaient.
D’abord, un aveu : en tant qu’Américain, j’ai du mal à écrire sur François Mitterrand. Il y a, pour commencer, les raisons que Michel Winock présente dans son ouvrage sur l’ancien président. Mettant en avant le passé « barrésien » de Mitterrand – son enfance en Charente entre les deux guerres, ses liens avec « la terre et les morts » –, Winock redoute que sa propre éducation en banlieue parisienne ne crée une trop grande distance entre son sujet et lui. Comme la distance empathique doit être plus grande encore, le fossé plus large entre « raciné » et déraciné, pour quelqu’un qui a grandi dans la banlieue de New York après la Seconde Guerre mondiale !
Mes difficultés ne s’arrêtent pas là. Voyez-vous, dans les années 1980, j’ai souffert d’un terrible sentiment d’infériorité quand je partageais ma vie entre les deux pays, l’un dirigé par un homme d’une profonde érudition, qui lisait Chateaubriand, l’autre par un homme d’une profonde superficialité, pour qui Chateaubriand était le nom d’une façon de cuisiner le bœuf. L’une de ces nations était définie par un...