Pour un politiquement incorrect de gauche
Publié dans le magazine Books n° 119, mai-juin 2022. Par Baptiste Touverey.
Les politiques de diversité et la défense des minorités sont parfaitement estimables en elles-mêmes. Mais elles ont nui à la seule lutte vraiment essentielle, celle des classes. Telle est la thèse iconoclaste d’un jeune journaliste de l’extrême gauche espagnole.
Entre 2011 et 2015, l’Espagne a connu une vague de manifestations sans précédent, ce que l’on a appelé le mouvement des Indignés. Son origine était évidente : la crise économique de 2008 et ses conséquences sociales souvent dramatiques. Pourtant, une grande partie des débats parmi les militants qui organisèrent ces manifestations ne portait pas sur la crise et la façon d’y remédier. Très vite, il s’est agi d’« inclure le maximum de gens », rapporte Daniel Bernabé dans son dernier ouvrage. On s’est mis à critiquer l’usage des drapeaux rouges ou espagnols, trop excluant. « À un moment donné, poursuit Bernabé, les débats ne portaient même plus sur le fond, mais sur la façon dont devaient se tenir les débats eux-mêmes : les tours de parole, la manière de s’exprimer, etc. Il fallait être inclusif, horizontal, respectueux de toutes les sensibilités. […] Le plus absurde est qu’au milieu de tous ces débats byzantins, de tout ce gaspillage de temps et d’énergie, personne n’a fait remarquer que l’objectif numéro un d’une...