Publié dans le magazine Books n° 18, décembre 2010 - janvier 2011. Par Sandrine Tolotti.
En 2009, le publicitaire Jacques Séguéla scandalisait en déclarant : « Si à 50 ans, on n’a pas une Rolex, c’est quand même qu’on a raté sa vie. » Il ne faisait pourtant que témoigner de l’influence prise par les habitudes de consommation des plus riches sur les dépenses de tous. Une fièvre du luxe ruineuse, contre laquelle une profonde réforme fiscale s’impose.
Robert Frank est professeur d’économie à l’université Cornell, aux États-Unis, et tient une chronique mensuelle dans le New York Times (« Economic Scene »). Appartenant au courant de l’économie comportementale, il étudie depuis trente ans les conséquences de notre environnement sur nos comportements économiques. Le prix Nobel d’économie George Akerlof a salué son livre sur la « fièvre du luxe » comme « l’une des plus importantes contributions à la science économique de ces dernières années ».
Vous travaillez sur le boom du luxe, alors même que les revenus de la majorité de la population marquent le pas. Comment ces deux réalités peuvent-elles aller de pair ?
Le paradoxe n’est qu’apparent. Nous avons assisté dans la plupart des pays développés, ces dernières décennies, à un développement substantiel des inégalités, qui a été particulièrement spectaculaire aux États-Unis (1). Entre 1979 et 2003, les 20 % les plus pauvres de la population américaine ont vu leurs revenus progresser de 3,5 % seulement sur l’ensemble de la période. Parallèlement, les 20 % les plus riches voyaient...