Les pionniers de l’électro étaient soviétiques
Publié le 21 juin 2019. Par La rédaction de Books.
Alexandra Stepanoff jouant du thérémine, 1930
Avec Le choc du futur, Marc Collin signe une ode aux pionnières de la musique électronique. Le film se déroule dans le Paris de la fin des années 1970, mais la musique électronique a connu plusieurs premières.
L’une d’elle a eu lieu dans la toute jeune Union soviétique. Dans les années 1920, les artistes soviétiques entendent couper les ponts avec le passé et se chargent de révolutionner la pratique musicale. Pour eux, le futur de la musique ne tient pas à l’invention d’un nouveau style, mais dans de nouvelles manières de produire du son, explique Andreï Smirnov dans Sound in Z. Chercheur au Centre de la Musique Électroacoustique au Conservatoire d’État de Moscou et directeur du Centre Theremin, il a passé une grande partie de sa vie à retracer l’histoire de ces inventeurs.
Beaucoup de leurs idées les plus farfelues n’ont jamais abouti : un instrument mu par une usine entière, un orchestre électro-accoustique monté sur une flotte aérienne… Mais ils sont aussi à l’origine des premiers synthétiseurs et échantillonneurs.
L’instrument le plus célèbre hérité de cette période est le thérémine. Cette invention de l’ingénieur et musicien Léon Theremin, considéré comme le premier instrument électronique de l’histoire de la musique, change la conception même que les musiciens ont du son. Le son est produit à partir d’un signal électrique engendré par un oscillateur hétérodyne à tubes électroniques. L’instrumentiste n’a pas besoin de toucher le thérémine, c’est par ses mouvements qu’il modifie la fréquence des notes. Cette invention appelle d’autres recherches sur des machines capables de synthétiser des sons parlés et chantés. Des musiciens comme Arseniï Avramov considéreront alors que tout bruit peut être matière à composition.
Selon Smirnov c’est le caractère pluridisciplinaire de l’avant-garde soviétique, mélangeant musiciens, poètes, ingénieurs, biologistes, linguistes, qui a permis cette explosion de créativité. Mais après 1934, Staline décide que le réalisme socialiste requiert une musique accessible et folklorique. La musique électronique est considérée inappropriée pour les masses et nombre de ses concepteurs sont persécutés et emprisonnés, leurs recherches et prototypes jetés ou confisqués.
À lire aussi dans Books : Le dangereux pouvoir de la musique, juillet-août 2010.