Publié dans le magazine Books n° 41, mars 2013. Par Bao Jingling.
Le docteur restait impassible, il avait l’habitude de ce genre de situation ; la plupart des femmes qui franchissaient le seuil de la clinique ne savaient pas dire précisément ce qu’elles voulaient ou ce qu’elles attendaient de lui ; elles avaient juste le besoin pressant de changer de visage.
Si l’on veut utiliser le terme le plus gentil possible pour définir le visage de Li Yanfen, on dira : ordinaire. Sinon, on dira : terne, peu expansif, morose. Quand elle était petite, il est vrai, on disait dans sa famille qu’elle était adorable ; une fois grande, cependant, personne n’avait plus rien dit de la sorte de son aspect physique. Mais le plus ennuyeux, c’est qu’elle n’avait rien d’autre qui pût susciter la louange ; terne, peu expansif et morose, pour dur que ce soit, étaient bien les seuls qualificatifs parfaitement appropriés dans son cas.
Lors des repas entre collègues, on ne remarquait qu’à la fin qu’elle était à un bout de la table, dans un total mutisme, et elle partait en payant son dû sans broncher ; si on lui demandait son avis sur un problème, ce n’est qu’une fois l’affaire discutée à fond qu’elle réussissait tout juste à bredouiller d’une voix éplorée, en traînant sur les mots : « ahh… ouiii, c’est çààà… », sans rien ajouter de plus. Au fil du temps, les gens avaient peu à peu perdu toute envie de la fréquenter ; s’...