Extraits - Nouvelle
Darling
Je l’avais trouvée un beau matin sur un bouquet de graminées sèches, dans le broc en zinc ornant l’étagère de la cuisine. Puisque les Cheveux d’ange et les Fléoles des prés étaient jaunes, on concevait mal que cette mante religieuse aussi verte qu’un lézard, et presque aussi grande, se soit posée parmi elles par mimétisme.…
Le Chiot
Deux fois déjà, Marie avait souligné l’éclat du soleil automnal sur le parfait champ de maïs, car il lui évoquait une maison hantée – non pas une maison hantée qu’elle connaîtrait réellement mais celle, imaginaire, qui apparaissait dans sa tête (avec cimetière adjacent et chat sur la clôture) chaque fois qu’elle voyait un parfait champ…
Le nombril, porte de l’âme
Les Années de l’âne, de Branko Copic, m’arriva de Belgrade par courrier. La lettre tombée du colis portait le cachet de la poste centrale de Sarajevo avec l’adresse : Aleksa Kalem, 22 rue Jabucica Avdo. C’était le premier paquet que je recevais à mon nom. Au dos de sa carte de visite, Ana Kalem, directrice…
La boîte
Cela s’était passé la nuit, peu après le mouvement étudiant du printemps 1989. Jie était au lit avec son petit copain Marcus ; ils faisaient l’amour. Une dizaine de policiers armés avaient défoncé la porte de sa chambre. L’un d’eux lui avait lancé : « Alors, explique-nous ce que ça a de si spécial de…
J’aide mon fils
« Si dans neuf poêles on brûle en cinq jours et demi douze stères de bois de hêtre, en combien de jours on brûlera neuf stères de bois de hêtre dans douze poêles... – Si dans neuf poêles... » Je suis assis derrière mon bureau, je lis un article. Je n’arrive pas à me concentrer.…
Des mères et des farfadets
Tu arrives tôt et arpentes en silence la maison de ton enfance. Cela fait des mois que tu n’es pas venue, peut-être même plus d’un an, et beaucoup de choses arrêtent ton regard : les douces alvéoles agréables au toucher du tambour de la machine à laver, sur lesquelles tu aimais passer les doigts ;…
Ulysse
J’avais remarqué qu’il passait de maison en maison, pour ainsi dire, en vérifiant le numéro sur chaque façade, comme s’il cherchait quelque chose. Il tenait à la main un bon Caméscope, moderne, léger apparemment. On aurait dit par moments qu’il dansait de plaisir, comme si la vie lui souriait. En l’observant, je me rappelai un…
Une prophétie
Je sais qui tu es, Sandro Veronesi, je connais ton âme, et je te dis que tu mettras tout en œuvre et que tu feras tout ton possible pour que ton père ne meure pas dans un lit d’hôpital mais, selon ses volontés, dans le sien, au cœur de sa demeure, au premier étage du…
Sienne
Je vis d’abord sa tresse. C’était cela le plus étrange : on aurait dit que la tresse devançait la femme. C’est seulement plus tard que je remarquais son regard creux et ses mains. C’était surtout le mot suavité qui la précédait. À sa tresse, je ne parvins pas même à donner une mesure approximative. Longue,…
Paroles de pêcheur
L’endroit où nous vivions étant une région lacustre, les gens allaient pêcher pour améliorer l’ordinaire. Chaque fois que mon père partait avec son filet, je devais lui emboîter le pas en portant un immense panier de bambou. Ce n’est pas que j’en avais tellement envie, mais il fallait bien que j’obéisse. J’avais six ans, et…
Paroles de pêcheur
L’endroit où nous vivions étant une région lacustre, les gens allaient pêcher pour améliorer l’ordinaire. Chaque fois que mon père partait avec son filet, je devais lui emboîter le pas en portant un immense panier de bambou. Ce n’est pas que j’en avais tellement envie, mais il fallait bien que j’obéisse. J’avais six ans, et…
La couleur de la mort
En allant voir Nyima, ce jour-là, je me demandais ce que j’allais bien pouvoir lui dire, mais en vain : je ne trouvais rien. Je lui avais passé un coup de fil, juste avant : « Je suis revenu, je vais passer te voir. » J’avais entendu un murmure à l’autre bout de la ligne,…
Darling
Je l’avais trouvée un beau matin sur un bouquet de graminées sèches, dans le broc en zinc ornant l’étagère de la cuisine. Puisque les Cheveux d’ange et les Fléoles des prés étaient jaunes, on concevait mal que cette mante religieuse aussi verte qu’un lézard, et presque aussi grande, se soit posée parmi elles par mimétisme.…
Le nombril, porte de l’âme
Les Années de l’âne, de Branko Copic, m’arriva de Belgrade par courrier. La lettre tombée du colis portait le cachet de la poste centrale de Sarajevo avec l’adresse : Aleksa Kalem, 22 rue Jabucica Avdo. C’était le premier paquet que je recevais à mon nom. Au dos de sa carte de visite, Ana Kalem, directrice…
La boîte
Cela s’était passé la nuit, peu après le mouvement étudiant du printemps 1989. Jie était au lit avec son petit copain Marcus ; ils faisaient l’amour. Une dizaine de policiers armés avaient défoncé la porte de sa chambre. L’un d’eux lui avait lancé : « Alors, explique-nous ce que ça a de si spécial de…
Il faut que quelqu’un lui dise
Andy et moi on était allés acheter des bières. J’ai connu Andy grâce à Tony, et Tony grâce à Peter, et Peter, j’avais fait sa connaissance pendant que je buvais une Victorian Bitter et qu’il faisait un pool avec Andy et Tony, sur King Street, dans un pub de l’un des multiples quartiers gay de…
Une prophétie
Je sais qui tu es, Sandro Veronesi, je connais ton âme, et je te dis que tu mettras tout en œuvre et que tu feras tout ton possible pour que ton père ne meure pas dans un lit d’hôpital mais, selon ses volontés, dans le sien, au cœur de sa demeure, au premier étage du…
Le Chiot
Deux fois déjà, Marie avait souligné l’éclat du soleil automnal sur le parfait champ de maïs, car il lui évoquait une maison hantée – non pas une maison hantée qu’elle connaîtrait réellement mais celle, imaginaire, qui apparaissait dans sa tête (avec cimetière adjacent et chat sur la clôture) chaque fois qu’elle voyait un parfait champ…
La chaise du père
La table est dressée, impeccable, paisible. Personne ne s’est assis pour l’instant et cela prendra encore un peu de temps avant que quelqu’un ne s’assoie et ne se serve. Mais le moment est venu de s’asseoir ensemble à nouveau, et de manger ensemble, et d’avancer. La maison continue à tourner. Les épiceries et les estaminets…
Sienne
Je vis d’abord sa tresse. C’était cela le plus étrange : on aurait dit que la tresse devançait la femme. C’est seulement plus tard que je remarquais son regard creux et ses mains. C’était surtout le mot suavité qui la précédait. À sa tresse, je ne parvins pas même à donner une mesure approximative. Longue,…