Publié dans le magazine Books n° 72, janvier 2016.
Les écrivains à succès ont tous connu l’anonymat. Comment en sont-ils sortis ? Grâce à une ambition dévorante et à un travail colossal. Ce n’est qu’en accomplissant l’impossible et en s’imposant la discipline d’un self-made-man qu’on parvient à capter l’attention des lecteurs et des rédacteurs en chef des grandes revues. Vieux de plus d’un siècle, ce recueil de conseils cyniques pour apprentis écrivains n’a rien perdu de sa saveur.
«La chance de l’écrivain inconnu » peut se discuter
ad nauseam, mais il subsistera cependant un fait désagréable, c’est qu’il n’a pas la chance de l’écrivain connu. Il connaît bien le problème : entre ce dernier et lui, les chances ne sont pas égales. Tout magazine de premier ordre est submergé par une copie dont il ne peut pas utiliser la dixième partie ; et il rejettera l’œuvre d’un inconnu qui possède une valeur, disons, de deux, et pour laquelle il aurait à payer, disons, un, et il acceptera à la place l’œuvre de quelqu’un de connu ayant une valeur de un, pour laquelle il paiera un prix de dix.
Ce n’est pas une hypothèse mais une affirmation fondée sur une amère expérience de l’opportunisme pratiqué par les magazines. Il n’existe pas sur le marché de magazines utopiques ; ni d’autres conçus uniquement dans l’intérêt des écrivains. En dernière analyse, le commercialisme est la base sur laquelle ils fonctionnent tous. À l’occasion, un rédacteur en chef occupant une position éminente peut laisser son bon cœ...