Les perdants magnifiques
Publié le 16 octobre 2020. Par Amandine Meunier.
En 1956, le boxeur américain Floyd Patterson devient le plus jeune champion du monde des poids lourds de l’histoire. Un titre qu’il détiendra pendant trente ans. Et, pourtant, en 1964, il confie au journaliste Gay Talese son angoisse de la défaite. Quand tu es mis KO, lui explique-t-il, « tout que tu veux, c’est qu’il ait une trappe au centre du ring, une trappe qui s’ouvre et qui te permette d’arriver directement dans ta loge, sans avoir à sortir du ring à affronter tous ces gens ». Il fait même cet aveu : il s’est acheté une moustache postiche et des lunettes noires pour quitter la salle incognito en cas de défaite.
Talese tire de ces confessions un article qu’il publie dans le magazine Esquire et qui est resté dans les annales du journalisme américain. « The Loser » (« Le perdant »), fait partie des vingt-deux textes rassemblés par les journalistes sportives Mary Pilon et Louisa Thomas dans leur ouvrage consacré aux perdants. Losers: Dispatches From the Other Side of the Scoreboard montre qu’il est possible de perdre de bien des façons : des athlètes exceptionnels qui ont la malchance d’appartenir à la même génération qu’un champion encore plus exceptionnel qu’eux, des joueurs qui trouvent un avantage à voir leur équipe défaite, des éternels seconds heureux…
« Comme dans tous les recueils, ces textes sont inégaux », regrette Steven Roberts dans The Washington Post. « Mais beaucoup sont instructifs et s’attardent sur un fait essentiel : l’accent mis sur l’échec commence par une obsession de la victoire, une obsession qui peut aisément se transformer en maladie. » Comme dans le cas de Floyd Patterson, ou celui du marin Kevin Hall qui explique avoir tellement idéalisé une victoire aux Jeux olympiques d’Athènes 2004 qu’il s’est trouvé « honteux » de se classer onzième, « onzième des vingt-cinq meilleurs marins du monde ».
L’histoire préférée de Roberts est cependant celle d’un match nul, ni victoire ni défaite. Lors de la première édition du marathon de Londres en 1981, l’Américain Dick Beardsley et le Norvégien Inge Simonsens ne parvenant pas à se départager, décident de franchir la ligne d’arrivée dans la même foulée.