Les paradoxes du lait
Publié le 13 septembre 2019. Par La rédaction de Books.
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Dans Mjölk, le réalisateur Grímur Hákonarson met en scène une agricultrice islandaise qui s’oppose au tout-puissant monopole d’une coopérative laitière. Le lait est à la fois une marchandise au cœur du complexe agro-industriel mondial et un aliment atavique, celui qui passe de la mère à l’enfant. Ce n’est que l’un des nombreux paradoxes relevés par l’historienne Deborah Valenze dans Milk, son histoire culturelle du lait. Le lait a été tour à tour, et parfois simultanément, considéré comme un fluide corporel sacré et un sous-produit animal nous ramenant à notre nature de mammifère, comme un aliment miracle et une substance dangereusement indigeste.
Dans l’Égypte ancienne, le lait était un élément si fondamental que son hiéroglyphe était similaire à celui du verbe « faire ». Les dieux hindous auraient, eux, baraté l’océan cosmique au point de le transformer en lait, nectar d’immortalité, d’où auraient émergé de nombreux éléments merveilleux dont la lune et Surâbhi, la vache d’abondance. Les chrétiens du Moyen-âge associaient le lait à la vie des Saints et à la richesse spirituelle, tout en se privant cependant de laitages, comme de tous les sous-produits animaux, les jours maigres. À partir de la Renaissance, le lait est moins associé aux miracles de la religion qu’à ceux de la médecine. Aliment extraordinaire, il est réputé redonner force et vigueur aussi bien au corps qu’à l’esprit, et est longtemps prescrit contre toutes sortes de maladies. Au XVIIIe siècle encore, Diderot se plaignait de devoir suivre un régime lacté (lait matin, midi et soir) bien trop monotone.
Pourtant la conservation du lait est encore au XIXe siècle source de craintes. L’industrialisation de sa production, la pasteurisation et l’amélioration des normes n’ont pas fait taire les controverses, régulièrement alimentées par des scandales de « lait contaminé ». À cela s’ajoutent les polémiques sur les valeurs nutritionnelles du lait ou encore sur l’élevage intensif.
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