Publié dans le magazine Books n° 82, mars / avril 2017. Par Guy Standing.
Les précaires représentent aujourd’hui une classe à part entière, née des effets combinés du néolibéralisme et de la globalisation. Une classe en pleine expansion, dont les choix politiques vont façonner le monde de demain. Pour le meilleur comme pour le pire.
En 2001, 5 000 personnes, principalement des étudiants et de jeunes activistes sociaux, se sont réunies au centre-ville de Milan afin de participer à une parade du 1er mai alternative et protestataire. En 2005, ils étaient plus de 50 000 (voire plus de 100 000 selon certaines sources) et l’Euromayday était devenu un mouvement paneuropéen. Des centaines de milliers de gens, surtout des jeunes, se sont alors mis à descendre dans les rues des grandes villes de tout le continent. Ces manifestations étaient les premiers signes de l’apparition du précariat.
Face à cette nouvelle masse qui demandait la liberté de migration et le revenu universel, les syndicalistes traditionnels – qui avaient organisé leurs manifestations du 1er mai de façon classique – sont restés bouche bée. Ces préoccupations étaient, en effet, bien éloignées des leurs. Pour eux, la solution aux emplois précaires était toujours le retour au modèle « travailliste », qu’ils avaient grandement contribué à cimenter vers le milieu du xxe siècle. À savoir, des emplois stables, durables, ainsi que les avantages sociaux qui allaient de pair. Mais beaucoup de jeunes manifestants avaient vu la génération de leurs parents se plier aux schémas fordistes : d’ennuyeux emplois à plein temps dans...