Publié dans le magazine Books n° 51, février 2014. Par David G. Haskell.
Un 21 janvier, par un froid glacial, un biologiste se déshabille pour comparer sa réaction au froid à celle des mésanges… C’est l’un des passages les plus ébouriffants d’un livre qui n’en manque pas, récit d’une année d’observation d’un mètre carré de forêt ! Une leçon de sciences naturelles comme on en rêve.
Un vent polaire souffle sur le mandala (1), s’engouffre dans mon écharpe et m’engourdit douloureusement la mâchoire. Le thermomètre est tombé à – 20 0C, et c’est compter sans l’action du vent. Dans ces forêts du Sud, de telles chutes de température sont inhabituelles. Les hivers méridionaux typiques oscillent entre redoux et gels légers, et chaque année les grands froids ne durent que quelques jours. Les températures d’aujourd’hui vont pousser la résistance des habitants du mandala jusqu’à ses limites physiologiques.
C’est alors que j’éprouve l’envie de sentir le froid comme le font les habitants de la forêt, sans la protection de mes vêtements. Sur un coup de tête, je jette mes gants et mon bonnet sur le sol gelé. L’écharpe suit. J’enlève rapidement ma parka, ma chemise, mon T-shirt et mon pantalon.
Les deux premières secondes de l’expérience sont étonnamment agréables, fraîcheur plaisante après avoir été engoncé dans mes vêtements d’hiver. Puis le vent chasse l’illusion et la douleur se répand comme un brouillard dans ma tête. Les vagues...