Insolences
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Pourquoi une nouvelle Jane Austen n’aura jamais le Nobel

De nos jours, une nouvelle Jane Austen n’aurait jamais le Nobel et Shakespeare serait un auteur provincial, soutient l’écrivain et critique littéraire Tim Parks. Les calembours et les références du second et le contexte bien trop britannico-britannique de la première leur barreraient la route vers la scène littéraire mondiale et le succès. Puisqu’un romancier ne devient vraiment important, aujourd’hui, que s’il franchit les frontières de son pays. Parks précise, dans Where I’m Reading From: the Changing World of Books, que de plus en plus d’auteurs européens, africains, asiatiques et sud-américains, considèrent avoir échoué s’ils ne séduisent pas le lectorat étranger. Les anglo-saxons, qui dominent le marché mondial grâce à l’empire de leur langue, sont moins touchés. Mais pour les autres, ne pas être traduit est plus qu’une simple déconvenue. Cela ternit leur prestige dans leur pays d’origine. Dans l’esprit des lecteurs, un auteur que personne ne veut lire à l’étranger n’est pas bon. Ils ont, eux, l’impression de faire partie d’une communauté mondiale. La publication simultanée d’un roman dans de nombreux pays participe de son attrait.

Or cette mondialisation de la littérature a un impact direct sur ce que les écrivains produisent, soutient Parks. Quand ils ont pour objectif d’atteindre une renommée internationale, ils s’efforcent de supprimer tous les obstacles possibles à la compréhension. Ils adoptent une langue plus simple, voire prennent en compte le travail du traducteur dès l’écriture en supprimant les jeux de mots, les références culturelles et certaines figures de style. Des écrivains scandinaves iraient jusqu’à prendre garde au nom de leurs personnages, par égard pour leur public anglo-saxon. Le fond lui-même n’est pas épargné. Selon Parks, il existe des ficelles pour voir son roman automatiquement qualifié de « littéraire » et « imaginatif », et des thèmes au croisement de la politique et de l’émotion assurent le succès.Tout un pan de la littérature est ainsi menacé de disparition, aux yeux de Parks. Les romans faisant la part belle aux nuances d’une langue et à sa culture, célébrant la manière de vivre d’une société, n’ont pas leur place sur un marché mondialisé.

 

 

LE LIVRE
LE LIVRE

Where I’m Reading from de Tim Parks, Harvill Secker, 2014

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