Montaigne, le bourgeois gentilhomme

Il était un arriviste plus qu’un aristocrate. Un parlementaire, un administrateur, un soldat, un courtisan avant d’être un philosophe. Même les Essais avaient pour but de servir sa carrière.


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Michel de Montaigne (1533-1592) s'était débarrassé du nom de famille originel pour pouvoir se présenter comme un membre de la noblesse terrienne.

Les Britanniques sont, on le sait bien, dotés d’une hyperacuité en matière de classifications sociales. Voici que la traduction en anglais d’une épaisse biographie de Montaigne par Philippe Desan leur donne l’occasion d’exercer leurs talents au détriment de notre malheureux Gascon. Le résultat est sans ambiguïté : à leurs yeux, Montaigne était un arriviste bon teint doublé d’un snob ! La famille Eyquem avait fait fortune dans le commerce du hareng à Bordeaux. Mais ce n’était pas ­assez ; il lui fallait encore, explique Patrick Murray dans le Times Lite­rary Supplement, « transformer la richesse matérielle en quelque chose de plus substantiel et de plus durable : le pouvoir politique ». L’arrière-grand-père, Grimon, avait gravi la première marche de l’échelle sociale en ­devenant propriétaire de la « terre noble » de Montaigne. Le fils était passé de « noble de papier » à « homme noble ». Le petit-fils, étape décisive, s’était extrait de la « mercadence » au bénéfice des armes et de la magistrature. Pour Michel, l’arrière-petit-fils, l’affaire était quasiment pliée : déjà noble « par prescription » (après cent ans de semi-noblesse, on n’était plus...
LE LIVRE
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Montaigne. Une biographie politique de Philippe Desan, Odile Jacob, 2014

ARTICLE ISSU DU N°87

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