Publié dans le magazine Books n° 7, juillet-août 2009. Par Qian Liqun.
Alors que la lecture sur Internet explose en Chine, la lecture comme activité traditionnelle n’a jamais été plus délaissée par la jeunesse, estime un éditeur taiwanais dans un essai consacré à la question. Le temps de l’imprimé est, selon lui, révolu. Et il ne faut pas le déplorer. Internet et le support numérique ouvrent simplement une nouvelle ère. Le véritable problème est celui de la place que nos sociétés utilitaristes accordent à la lecture. Car à quoi cela peut-il « servir » de lire pour le plaisir ? Dans une société chinoise obsédée par la réussite, l’éducation se réduit à apprendre par cœur ce qui est directement nécessaire à la réussite sociale. Et tant pis si les élèves sortent du système scolaire dégoûtés de la lecture.
Hao Mingyi a d’abord destiné son ouvrage, « Le dépassement du livre », au lectorat de Taiwan. Pourtant, dès le début de ma lecture, et bien que vivant en Chine continentale, je me suis senti très proche de ses idées. Le livre s’ouvre sur une réflexion saisissante, dans laquelle l’auteur compare l’homme d’aujourd’hui à « un homme qui, le ventre repu, ne manquant de rien, serait pourtant en train de mourir peu à peu de faim ». La métaphore est utilisée pour décrire la situation paradoxale dans laquelle se trouve la lecture de nos jours : « Dans l’histoire de l’humanité, aucune époque ne fut plus riche que la nôtre en termes d’offre de lecture. Plus de deux cent mille titres sont imprimés en langue chinoise chaque année. Sans parler des innombrables titres publiés en langues étrangères. En ce qui concerne Internet, des milliers de pages sont créées chaque seconde dans le monde. À quoi il conviendrait d’ajouter les e-mails et autres informations qui circulent sur la Toile. » Mais, paradoxalement, jamais la pratique de la lecture n’a été plus délaissée. Il...