Publié dans le magazine Books n° 62, février 2015. Par Anka Muhlstein.
Patrick Modiano est un auteur subtil et attachant, mais il admet lui-même écrire toujours plus ou moins le même livre et ses personnages manquent d’épaisseur. Il n’a pas la stature indiscutable du très grand romancier.
L’attribution du prix Nobel à Patrick Modiano a été accueillie avec jubilation en France : le grand succès de librairie de la rentrée ayant été le témoignage malodorant de Valérie Trierweiler sur la vie intime de François Hollande, la récompense accordée à un écrivain subtil, obsédé par l’Occupation, une période que peu de gens aiment à regarder en face, un écrivain maniant sa langue avec virtuosité, jouant aussi bien de la simplicité que de la complexité, de la précision que du flou, rétablissait l’équilibre. Modiano a trouvé « bizarre » le choix des jurés suédois mais Modiano a tendance à tout trouver bizarre, compliqué et manifestement a horreur d’être l’objet de la curiosité publique.
Lorsque Denis Cosnard, un journaliste économique passionné de Modiano, a décidé de faire une biographie de l’auteur, l’éditeur de celui-ci lui a conseillé d’avancer seul. Conseil d’autant plus judicieux que l’écrivain ne voulait pas le rencontrer. Et cela valait probablement mieux. Regarder une vidéo de Modiano interviewé, c’est comprendre immédiatement qu’il fait le désespoir des journalistes. L’homme manifestement souffre d’être questionné, s’...