Maudit argent que l’on n’a pas
Publié le 15 octobre 2020. Par Pauline Toulet.
Las maravillas, le premier roman de la poétesse espagnole Elena Medel, bénéficie d’un accueil critique particulièrement chaleureux. « Cela a beau être sa première incursion dans la fiction, on sent dès les premières lignes qu’on a affaire à une auteure accomplie, à la voix singulière et assurée », juge ainsi le romancier Carlos Zanón dans Babelia, le supplément culturel du quotidien El País. Elena Medel a déjà à son actif trois recueils de poèmes et deux essais sur la poésie.
Dans Las maravillas, l’écrivaine entremêle le destin de deux femmes qui ont quitté leur Andalousie natale pour s’établir à Madrid, dans un quartier de la périphérie. Il y a d’abord María, femme de ménage, qui confie sa fille bébé à ses parents à la fin des années 1960 pour monter à la capitale, sans pour autant y trouver la vie meilleure qu’elle espérait. Puis, Alicia, de trente ans sa cadette, qui suit le même itinéraire pour se retrouver vendeuse dans une sandwicherie de la gare d’Atocha. « Chez les deux femmes, c’est l’argent, ou plutôt son manque, qui dicte les décisions», note Zanón. « Las maravillas parle de comment on peut survivre à la précarité, à la pauvreté et à ces liens qui nous définissent en même temps qu’ils nous étranglent », résume-t-il.
Pour Pablo Martínez Zarracina, poète lui aussi, Las maravillas vient « combler deux des faiblesses que l’on impute souvent à la prose espagnole. D’une part, son incapacité à aborder l’actualité sous l’angle de la fiction et, de l’autre, sa tendance à occulter le rôle fondamental de l’argent dans la vie des gens », explique-t-il dans le quotidien de Bilbao El Correo.
Et Lorena G. Maldonado de renchérir dans le quotidien en ligne El Español : l’auteure « parle de l’argent, de ce “foutu fric” si peu présent dans la littérature, le cinéma et les arts plastiques. De quoi vivent les personnages ? Comment font-ils pour boucler les fins de mois ? Où sont les factures ? […] Il est rare de voir des personnages aux prises avec ces petites choses qui nous minent au quotidien : les réprimandes d’un chef, le métro bondé, le sentiment d’être médiocre, d’être un imposteur, d’être exploité ».
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