Lettres de prison

Incarcéré depuis octobre 2003, Mikhaïl Khodorkovski, condamné à deux reprises à huit et treize ans de réclusion criminelle, a régulièrement pris la parole. Chacune des interventions du plus célèbre détenu de Russie fut un événement, qu’il s’agisse des tribunes publiées dans les quotidiens du pays, des interviews accordées à la presse étrangère ou de sa correspondance avec de célèbres écrivains russes. Paroles libres rassemble dans un seul et même tome tout ce que l’ancien magnat du pétrole, devenu l’un des plus virulents opposants au régime de Vladimir Poutine, a écrit ces huit dernières années…

Incarcéré depuis octobre 2003, Mikhaïl Khodorkovski, condamné à deux reprises à huit et treize ans de réclusion criminelle, a régulièrement pris la parole. Chacune des interventions du plus célèbre détenu de Russie fut un événement, qu’il s’agisse des tribunes publiées dans les quotidiens du pays, des interviews accordées à la presse étrangère ou de sa correspondance avec de célèbres écrivains russes. Paroles libres rassemble dans un seul et même tome tout ce que l’ancien magnat du pétrole, devenu l’un des plus virulents opposants au régime de Vladimir Poutine, a écrit ces huit dernières années. « Certes, presque tous les textes publiés sont disponibles sur Internet en russe. Mais, réunis, leur portée est beaucoup plus grande », soulignait le journal Gazeta lors de la parution de l’ouvrage à Moscou en décembre dernier, quelques jours seulement avant l’énoncé du verdict dans le second procès Ioukos. Et, bien que certaines librairies russes n’aient pas osé commander le livre, les vingt mille premiers exemplaires s’écoulèrent en six semaines à peine.

« Nuances de gris »

L’affaire Ioukos a divisé l’élite intellectuelle du pays. Pour les écrivains Ludmila Oulitskaïa, Boris Akounine et Boris Strougatski, la correspondance avec Mikhaïl Khodorkovski fut le moyen d’afficher publiquement leur soutien à l’oligarque déchu. Pour Akounine, l’affaire Khodorkovski a ainsi permis à la société russe, et à lui-même, de « retrouver des repères moraux ». « Je suis un grand spécialiste des nuances de gris, déclarait le maître du polar à Novaïa gazeta. Car le plus intéressant se produit toujours à la frontière entre le bien et le mal, quand l’un devient l’autre. L’histoire de Khodorkovski, elle, est tout en noir et blanc et révèle le contraste entre ces deux teintes. »

Pour le site d’information Slon.ru, l’échange entre Ludmila Oulitskaïa et Mikhaïl Khodorkovski représente le passage le plus marquant de l’ouvrage. C’est l’une des rares manifestations d’un débat public en Russie. Pourtant, rien ne semblait pouvoir réunir ces deux représentants de l’intelligentsia soviétique : lui, un pur produit du système communiste qui s’est fait sa place parmi les oligarques quand l’heure fut venue de se partager le gâteau après l’effondrement du système en 1991 ; elle, une romancière qui rejetait le régime en bloc. « Certes, la réalité des années Poutine ne les a pas totalement réconciliés, mais elle les a poussés à s’écouter mutuellement et à entamer un dialogue. »

LE LIVRE
LE LIVRE

Paroles libres, Fayard

ARTICLE ISSU DU N°25

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