L’Espagne et ses petits dictateurs
Publié dans le magazine Books n° 56, juillet-août 2014. Par Juan Jesús Aznarez.
Au-delà des Pyrénées, une génération de parents perdus, incapables de dire non et de gérer les conflits, a donné naissance à une génération d’enfants impossibles. Souvent déviants, parfois délinquants, certains en viennent à terroriser leur famille. En jeu, ici comme ailleurs, les valeurs consuméristes d’une société où l’on veut tout, tout de suite. S’y ajoute, plus spécifiquement, le complexe d’une démocratie encore jeune où l’autorité est particulièrement dévaluée.
Le député X a chassé de chez lui son fils de 18 ans, trop paresseux et irresponsable, mais il n’a pas supporté les conséquences d’une décision aussi radicale : très vite, il s’est effondré. Il pleurait en l’imaginant à la rue, sans argent, en proie à la drogue et à la délinquance. Le jeune, quant à lui, en a nourri une terrible rancœur envers son père. « Il ne lui a jamais pardonné », se souvient une amie de la famille. Ce genre de situation n’a rien d’exceptionnel. La plupart des parents espagnols qui ont des enfants impossibles sont épouvantés quand, après avoir échoué à trouver un terrain d’entente et négocier des règles de comportement, il leur faut choisir entre sanctionner et faire comme si de rien n’était. C’est que, dans nos sociétés marquées par l’éclatement des modèles familiaux, l’...