Publié dans le magazine Books n° 64, avril 2015. Par Götz Ali.
Marie Jalowicz fait partie des très rares Juifs qui ont survécu au nazisme tout en restant à Berlin. Ballottée d’appartement en appartement, elle a traversé toute la guerre en se cachant chez des hôtes pas toujours désintéressés. Son témoignage dresse un tableau très cru des ambivalences de la population allemande sous le IIIe Reich.
Comment cela a-t-il pu se produire au cœur de l’Allemagne ? Quiconque réfléchit au sort des Juifs bute sur cette question, à laquelle personne n’a jusqu’à présent réussi à répondre. D’un côté, les documents attestent un haut degré d’antisémitisme, de soumission au Führer, d’indifférence, de convoitise envers les biens des Juifs expropriés. De l’autre, on trouve des milliers de témoignages d’aide plus ou moins désintéressée, de simple humanité venant de citoyens ordinaires.
Si l’on veut s’approcher de la réalité, il faut lire le récit que Marie Jalowicz Simon (née en 1922) a laissé sur sa vie clandestine à Berlin – un livre sensationnel que son fils Hermann Simon vient de publier. À 19 ans, en 1941, Marie, fille unique, se retrouva orpheline. À la fin de cette année-là, après l’introduction de l’étoile jaune et les premières arrestations, elle acquit une conviction : « Ils vont nous déporter, et pour tout le monde ce sera la fin. » Marie voulait survivre.
Elle devint ce qu’on a appelé un « sous-marin »
[terme désignant les Juifs ayant vécu cachés...