Les recettes de Monsieur Longévité
Publié en février 2024. Par Books.
Il trône depuis 47 semaines sur la liste des best-sellers du New York Times et se serait vendu à plus d’un million d’exemplaires. Il compte pourtant plus de 500 pages, dont 40 de références, et est réputé de lecture difficile. Cela se conçoit, dans ce pays où la longévité a sensiblement régressé ces dernières années, même sans tenir compte du Covid. L’auteur a fait de brillantes études de médecine avant de partir chez McKinsey puis de fonder une clinique où il vend cher ses conseils en matière de longévité.
Son message de base est relativement simple et plein de bon sens. Il se résume en quelques mots. Il s’agit de chercher les moyens de vivre le plus longtemps possible en bonne santé. Nos quatre ennemis principaux, les « quatre cavaliers » (de l’Apocalypse), sont la maladie cardiaque, le cancer, Alzheimer (et autres maladies neurologiques dégénératives) et les dysfonctionnements métaboliques, au premier rang desquels le diabète. Et voici les quatre remèdes clés : l’exercice, l’alimentation, le sommeil et la santé émotionnelle. L’exercice en tête : « Je considère désormais l’exercice comme le remède le plus puissant. »
Rien que de très consensuel jusque-là. Mais l’éminent cardiologue Eric Topol, lui aussi auteur de best-sellers sur la médecine, s’étonne sur son blog de voir Attia préconiser la prise régulière de rapamycine, qui certes accroît la longévité de diverses espèces animales, mais est un immunosuppresseur. Il s’étonne aussi de lire son conseil de se faire prescrire une imagerie corporelle totale pour déceler d’éventuels départs de cancer : c’est très cher et risque d’entraîner une série d’angoisses et d’interventions inopportunes. Il regrette d’avoir à constater que le « package » des préconisations prodiguées par Attia et ses collègues dans leur clinique est réservé à des gens très riches.
Une critique plus sévère encore émane d’un urgentiste affilié au célèbre Kaiser Permanente, qui dépend d’une fondation à but non lucratif. Tout en recommandant la lecture du livre, s’exprimant sur LinkedIn, Graham Walker précise que le coût total des mesures proposées par Attia s’élève à 150 000 dollars par an, ce qui écarte « la grande majorité des Américains ». C’est là selon lui le principal biais du clinicien : il s’adresse à une clientèle fortunée et sous-estime l’ampleur des déterminants socioéconomiques, dans une société où un travailleur sur quatre n’a pas accès aux congés maladie payés et où un sur quatorze n’a pas d’assurance maladie. Il observe aussi qu’en dépit de son insistance sur la prévention, Attia exprime une confiance exagérée dans l’efficacité de certaines molécules : « Un médicament qui réduit efficacement le niveau du cholestérol ne semble pas pour autant réduire l’incidence des attaques cardiaques, des AVC et des décès. »