Publié dans le magazine Books n° 76, mai 2016. Par Massimo Montanari.
Ils étaient peintres, sculpteurs, orfèvres ou musiciens, tous florentins et amateurs de bonne chère. Au sein de leurs confréries loufoques, ces originaux rivalisaient d’inventivité pour organiser des festins dans les décors les plus insolites : un chaudron géant où l’on servait un Ulysse et son père confectionnés avec des chapons, un antre obscur où le diable en personne venait vous proposer de délicieux mets en forme de serpents, de crapauds ou de chauve-souris…
La « confrérie du Chaudron » (1) : tel est le nom d’un curieux groupe d’artistes et d’artisans fondé à Florence au début du xvie siècle par le sculpteur Giovan Francesco Rustici, un collaborateur de Léonard de Vinci.
C’est Giorgio Vasari qui le raconte dans les
Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, le premier ouvrage moderne d’historiographie artistique, publié en 1550 et réédité en 1568 avec des ajouts (dont la biographie de Rustici). Il n’exista pas, nous assure Vasari, d’homme « plus agréable et capricieux » que Rustici, qui réunissait autour de lui un « groupe de gentilshommes », peintres, sculpteurs, orfèvres et musiciens : la confrérie en comprenait douze, mais ils étaient souvent beaucoup plus, étant donné que, « à certains de leurs dîners et divertissements », chacun pouvait inviter jusqu’à quatre amis.
La règle était la suivante : chacun devait apporter « un plat original ». On élisait à chaque fois un « seigneur » de la soirée, un amphitryon à qui l’on présentait les « mets » préparés pour l’occasion. Il les faisait passer parmi les convives qui, une fois installés, goûtaient les créations des autres. L’originalité était de rigueur :...