Publié dans le magazine Books n° 48, novembre 2013. Par John Rogister.
Pétain ne nous a pas seulement légué la fête des Mères. L’enseignement privé confessionnel, l’usage de la carte d’identité ou les allocations familiales font aussi partie des traces laissées par un régime qui prônait la « réinvention du quotidien ». De sa vénération du terroir, nous avons gardé la vogue des AOC, de son anglophobie le goût du Fanta orange, et de ses égards pour Franco les échanges internationaux d’œuvres d’art.
Dans la préface du livre de Cécile Desprairies, Emmanuel Le Roy Ladurie parle de « vichystologie ». Toujours en quête de mots nouveaux, il vise ainsi le nombre croissant d’études sur l’État français dirigé par le maréchal Pétain de 1940 à 1944. Dans l’éloge qu’il fait de cet ouvrage, il conclut que la « noirceur et la malédiction » ne sont pas les seuls concepts disponibles pour définir cette période sombre de l’histoire française.
L’auteur, philosophe et germaniste, est spécialiste de l’Occupation. Dans ce travail solidement documenté, elle décrit les mesures prises par le régime et encore en vigueur. Sur les 16 786 textes de loi promulgués entre 1940 et 1944, quasiment tous furent abrogés après la Libération en raison de leur caractère discriminatoire ou contraire aux libertés publiques. Mais soixante-huit textes demeurent, qui ont toujours un impact sur la vie française et constituent « l’héritage d’une période et d’un régime ». Bien qu’elle se concentre sur Vichy, Cécile Desprairies analyse aussi les mesures adoptées par les forces d’occupation dans le nord de la France et...