Publié dans le magazine Books n° 47, octobre 2013. Par Robert Bogdan.
Dans l’Amérique de la fin du XIXe siècle, il est de bon ton d’aller observer la famille d’albinos, l’« homme-squelette » ou la « femme à barbe suisse », toutes ces « curiosités humaines » que la science ne s’explique pas, et de s’instruire ainsi en s’amusant, puisque le théâtre est réprouvé. Le freak show posera les bases de la civilisation du spectacle.
Les origines du freak show remontent aux grandes foires marchandes qui avaient lieu en Angleterre au début de la Renaissance et dont la plus célèbre était la Bartholomew Fair. Presque toutes les bizarreries humaines qui se retrouveront sur les estrades de sideshows [ménagerie humaine] y étaient déjà visibles, moyennant un droit d’entrée. Ces foires contenaient aussi en germe les conventions scéniques qui seront institutionnalisées au XIXe siècle par le freak show américain. Les phénomènes circulaient de foire en foire, isolément les uns des autres, et non au sein d’une troupe. Pendant la morte-saison, ils se donnaient en spectacle dans des tavernes et autres établissements populaires. En 1738, dans la colonie britannique de Caroline, une gazette annonce l’exhibition d’une créature « capturée dans une forêt de Guinée ; il s’agit d’une femelle d’environ 1,20 mètre, en tous points semblable à une femme, à l’exception de sa tête qui est celle d’une guenon ». Bien avant la guerre d’Indépendance, les Américains peuvent donc admirer des spécimens humains, plus tard qualifiés de freaks.
Les « curiosités humaines »...