Publié dans le magazine Books n° 75, avril 2016. Par Ross Arbes.
Chaque famille ou presque, en Corée du Sud, possède un exemplaire du Talmud. Lequel est enseigné dans d’innombrables écoles. Le Talmud, cette loi impénétrable dont la compréhension exige des années d’études ? Non, mais des versions abrégées et simplifiées, souvent sous forme de livres pour enfants. Dans un pays obsédé par la réussite, beaucoup y cherchent le secret du prétendu génie juif, avec pour guide improbable un rabbin américain.
La scène se passe à une heure de voiture environ au nord de Séoul, dans les monts Gwangju : une cinquantaine d’enfants sont penchés sur un livre pour le moins improbable ici, puisqu’il s’agit du Talmud, recueil de lois juives vieux de 1 500 ans. Ces élèves ne sont pas juifs, pas plus que leurs professeurs, et ils n’envisagent pas non plus de se convertir. La plupart n’ont d’ailleurs jamais rencontré le moindre juif. Selon le fondateur de l’école où nous sommes, ils sont simplement désireux de compléter leur éducation coréenne par une « éducation juive ».
Les élèves, âgés de 4 à 19 ans, sont assis en tailleur à même le sol dans une petite salle au toit en forme de tente. Devant le tableau, leur professeur, Park Hyunjun, explique que les juifs portent durant la prière de petites boîtes noires, les tefillin (ou phylactères), qui leur rappellent la parole de Dieu. Il emploie les mots hébreux
shel rosh (« sur la tête ») et
shel yad (« sur le bras ») pour indiquer où s’accrochent ces boîtes. Après quoi il explique qu’elles...