Le rationalisme fou de Thomas Gradgrind
Publié dans le magazine Books n° 62, février 2015. Par Martha Nussbaum.
C’est l’histoire d’une société où l’humain est chaque jour davantage mis en équation au nom de la raison économique. Cette société, c’est l’Angleterre de la révolution industrielle telle qu’elle apparaît dans les Temps difficiles de Dickens. Mais cette société, pour Martha Nussbaum, c’est aussi la nôtre, plus que jamais dominée par un utilitarisme desséchant. L’œuvre de Dickens est la meilleure preuve du rôle que peut jouer l’imagination littéraire dans le débat politique.
« Thomas Gradgrind, Monsieur. Un homme de réalités. Un homme de faits et de calculs. Un homme qui agit selon le principe que deux et deux font quatre, rien de plus, et qui ne se laissera pas persuader d’admettre que cela fasse rien de plus. Thomas Gradgrind, Monsieur – péremptoirement Thomas – Thomas Gradgrind. Avec une règle et une balance, et la table de multiplication toujours dans la poche, Monsieur, prêt à peser et à mesurer n’importe quelle parcelle de nature humaine et à vous en dire exactement le montant. Ce n’est qu’une affaire de chiffres, un simple calcul arithmétique. »
L’économie...