Le monde d’avant le Big-Bang
Publié dans le magazine Books n° 19, février 2011.
En poussant plus loin les travaux d’Albert Einstein, un jeune physicien allemand conclut que l’Univers existait bien avant le big-bang. Son livre vient de sortir en France.
Le physicien allemand Martin Bojowald préfère l’expression de Big Bounce (« grand rebond ») à celui de big-bang. Car, pour ce chercheur de l’université de Pennsylvanie, l’Univers n’a pas été créé il y a quatorze milliards d’années, lors de cet événement cosmique auquel on attribue la naissance de la matière, de l’espace et du temps. Mais bien avant. Il se serait alors effondré sur lui-même avant de rebondir et d’entrer en expansion.
« Rien dans l’apparence juvénile et le style discret de Martin Bojowald ne laisse deviner le révolutionnaire qui, à 27 ans, a fondé une nouvelle cosmologie, note l’hebdomadaire Die Spiegel. Pourtant, il fait partie de la minuscule communauté de chercheurs qui a repris l’héritage d’Albert Einstein » : même si les découvertes du prix Nobel de physique permettaient de comprendre une grande partie de l’histoire de l’Univers, il restait, de l’avis général, pas mal de travail.
« La théorie de la relativité ne suffit pas à expliquer nombre de phénomènes cosmiques, précise la Frankfurter Allgemeine Zeitung. La théorie quantique est tout aussi importante pour observer le big-bang ou les trous noirs. Des physiciens pleins d’imagination comme Bojowald ont réussi à concilier ces deux théories. Leurs résultats ne sont pas irréfutables, mais ils permettent d’imaginer des solutions. » Cette nouvelle théorie, née de la fusion des deux autres, s’appelle la « gravitation quantique à boucles », et Bojowald en est l’un des spécialistes mondiaux.
Contrairement à l’idée selon laquelle le monde remonterait à un « moment zéro » au cours duquel tout le contenu de l’Univers aurait été rassemblé en un unique point de densité infinie, Bojowald soutient que l’espace est formé de minuscules atomes indivisibles contenant une quantité d’énergie finie. Pour lui, l’Univers, quand il atteint un seuil de densité critique, s’effondre sur lui-même, rebondit et repart dans une phase d’expansion accélérée.
« La mauvaise nouvelle, déplore le National Geographic News, c’est que tout cela signifie que l’Univers souffre d’une “perte de mémoire cosmique” qui nous empêchera d’en découvrir beaucoup plus sur ce qui a précédé notre big-bang. » Les premiers travaux de Bojowald suggéraient bien que l’Univers d’avant rebond était similaire au nôtre, rempli d’étoiles et de galaxies. Mais il est revenu sur cette hypothèse. « Les effets quantiques en vigueur durant le rebond auraient effacé presque toutes les traces du passé, affirme le scientifique. La seule chose que nous savons, c’est que l’Univers d’avant était inversé. Comme un ballon que l’on gonfle à l’envers, l’intérieur vers l’extérieur. »
« Aussi modestes que soient les conclusions de Bojowald, conclut le Spiegel, ses équations signent tout de même le début d’une nouvelle ère. Pour la première fois, elles permettent des hypothèses solides sur un monde au-delà de l’Univers connu. » Et l’hebdomadaire allemand de prédire qu’une nouvelle génération de satellites devrait permettre, à l’instar de l’engin européen Planck, de faire encore des progrès au cours de la prochaine décennie : avec un lancement prévu en 2019, l’observatoire spatial Lisa « pourrait être assez sensible pour capter les signaux gravitationnels des premières secondes de ce monde ».