Publié dans le magazine Books n° 6, juin 2009. Par Volker Hagedorn.
Haute naissance, fortune, éducation raffinée, famille affectueuse et attentive aux talents des siens, maison fréquentée par de grands esprits de son temps… Felix Mendelssohn-Bartholdy reçut beaucoup. Il donna tout autant : féru d’histoire de la musique, grand pédagogue et artiste accompli, il fit redécouvrir Bach, Haendel et Mozart, dont il tira des œuvres entières de l’oubli ; il fit rayonner Beethoven, joua ses amis Berlioz et Schumann. Mais, s’il fut admiré de ses contemporains et applaudi dans les plus grandes salles d’Europe, son œuvre – plus de cinq cents compositions – a été victime de l’antisémitisme de Wagner et dépréciée. La publication de la correspondance du compositeur et de nouvelles biographies invitent à la réévaluer.
Dans le jardin du 3, Leipziger Strasse, le savant Alexander von Humboldt a fait construire une cabane en cuivre. Une maisonnette « magnétique non ferreuse » qui brille sous le soleil d’automne berlinois en cette année 1828. Âgé de 59 ans, ami et hôte d’Abraham Mendelssohn, Humboldt relève les changements du champ magnétique terrestre, tandis que des sons inconnus et surprenants s’échappent de la majestueuse demeure. « Ô innocent agneau de Dieu », chante un chœur. Le fils de la maison, 19 ans, fait répéter une œuvre oubliée : la
Passion selon saint Matthieu de Jean-Sébastien Bach. Deux ans auparavant, dans ce même jardin, le jeune homme avait déjà composé une œuvre d’une « audace infinie », une musique pour le
Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, preuve parmi tant d’autres d’une étonnante précocité artistique.
Rarement, peut-être jamais, talent et entourage ne se sont rencontrés à un tel niveau. Felix Mendelssohn-Bartholdy a grandi au milieu d’un large réseau d’artistes, d’intellectuels et de scientifiques. Un champ magnétique spirituel sans pareil, mais dont les pôles étaient eux aussi sous forte tension. Mendelssohn,...