Jiabiangou. C’est le nom d’un camp de travail forcé, un goulag chinois construit aux portes du désert de Gobi. De 1957 à 1961, 3 000 intellectuels et officiels du Parti y furent envoyés, sommés de se soumettre à ce que Mao appelait une « rééducation par le travail ». On les nommait les « droitiers », parce qu’ils avaient manifesté leur opposition à la dérive autoritaire du pouvoir. Bien que moins connu du public occidental que la Révolution culturelle, ce « Mouvement anti-droitier » fut une purge idéologique de grande ampleur : plus de 500 000 personnes persécutées à travers le pays.
Le Chant des martyrs, de l’écrivain chinois Yang Xianhui, est le fruit d’une enquête obstinée, menée de 1997 à 2000 pour retrouver les rescapés de Jiabiangou. Seuls 500 ont survécu à la faim. Et beaucoup ont dû dévorer les cadavres de leurs camarades ou ingurgiter leur propre vomi pour survivre dans un bagne où les prisonniers devaient cultiver eux-mêmes la terre pour se nourrir. Une terre parmi les plus arides du globe.
Publié en 2002, cet ensemble de treize récits – présentés comme fictifs pour échapper à la censure de Pékin – s’inscrit dans ce que...