Publié dans le magazine Books n° 58, octobre 2014.
Il n’y a aucune raison d’accorder aux seuls croyants, au nom de la tolérance, un statut dérogatoire à la loi commune.
La tolérance est l’art délicat de cohabiter avec des gens qui ne pensent pas comme nous. Ce sacrifice de chacun à la liberté de tous est un ingrédient essentiel du pluralisme politique, philosophique et religieux qui caractérise les sociétés démocratiques. La chose ne va pas sans difficulté, comme l’observe John Gray dans le
New Statesman à propos de l’essai que consacre à cette notion Brian Leiter : « Défendre la liberté des gens que nous avons de bonnes raisons de mépriser n’est pas facile. Et cela peut aussi être dangereux, car ceux que nous tolérons n’agiront peut-être pas de même envers nous. »
Philosophe et juriste américain, Leiter se penche dans son livre sur le cas épineux de la religion. Il pose à nouveaux frais un problème au moins aussi vieux qu’Antigone : que faire quand ce qu’ordonne la loi contredit une obligation religieuse ? La loi doit-elle s’appliquer dans toute sa pureté en vertu du principe d’égalité ? Faut-il au contraire l’aménager ponctuellement, dans un esprit de tolérance, pour garantir la liberté de culte ? La réponse à cette question varie sensiblement...