La révolution des gentilshommes savants
Publié dans le magazine Books n° 54, mai 2014.
Un historien raconte comment une poignée d’aristocrates à l’honneur chatouilleux ont jeté les bases de la méthode scientifique moderne.
La recherche scientifique est une activité éminemment sociale. Même dans la solitude de son laboratoire, le savant est obligé de s’appuyer sur les théories de ses prédécesseurs, qu’il suppose fiables. Sans cette confiance implicite, il faudrait sans cesse recommencer à zéro et la science ne progresserait pas. Mais sur quoi repose la confiance qu’un savant accorde à ses pairs ? C’est de cette question que part l’historien des sciences américain Steven Shapin. Pour expliquer l’émergence de la méthode expérimentale moderne au XVIIe siècle, il s’intéresse d’abord à ceux qui en étaient alors les principaux promoteurs : un petit groupe d’aristocrates réunis au sein de la toute jeune Royal Society britannique. Entre ces savants portant l’épée, la confiance était de mise : « Un gentilhomme était lié par sa parole. La mettre en doute revenait à le traiter de menteur, ce qui débouchait généralement...