La prière, debout ou à genoux ?
Publié le 23 mars 2018. Par La rédaction de Books.
Jean-François Millet, L'Angélus.
Sur les images de promotion du film de Cédric Kahn La prière, sur les écrans cette semaine, on voit les personnages principaux agenouillés en pleine nature, la tête baissée vers le sol, les mains jointes. Génuflexion, attitude soumise et prière : cette combinaison s’impose à partir du Moyen-âge, rappelle l’historienne de l’art Marie Gautheron dans Croire et faire croire. Dès le VIe siècle, l’évêque d’Arles invite les fidèles à cette pratique. Entre le XIe et le XIIe siècles, les mains jointes et les genoux au sol sont monnaie courante dans l’art religieux. Lorsqu’au XIXe siècle, les catholiques mènent l’offensive contre la laïcisation de l’espace public en France, ils produisent massivement « des catéchismes illustrés, dont les images apprennent à prier – et à s’agenouiller – » et des images de piété.
« C’est dans ce contexte que sonne l’Angélus de Millet », écrit Marie Gautheron. « Un homme et une femme interrompant leur travail pour réciter l’Angélus (prière du soir) » peint à la fin des années 1850 est vite récupéré par l’Eglise. L’image profane est transformée en icône. Et pourtant Jean-François Millet figure « des paysans, non pas à genoux, non pas dans un lieu de prière, mais debout sur leur lieu de travail, mains jointes et chapeau bas, la tête courbée ». Le succès de l’Angélus tient à la représentation d’un espace familier. Alfred Sensier, le premier biographe de Millet, explique ainsi qu’il l’avait peint « en pensant comment en travaillant autrefois dans les champs, ma grand-mère ne manquait pas, en entendant la cloche, de nous faire arrêter notre besogne pour dire l’Angélus pour ces pauvres morts, bien pieusement et le chapeau à la main. »
A lire dans Books : Le double langage des religions, janvier 2013.