La pensée liquide de Zygmunt Bauman

Livre après livre, Zygmunt Bauman poursuit son analyse de la société à l’ère de la mondialisation. Une société « liquide », dit-il, où les relations, les identités, les appartenances politiques et les catégories de pensée sont jetables ; une société aux liens relâchés, où seule la consommation unit encore des individus transformés en marchands d’eux-mêmes. Bref, une société aux antipodes de la « solidité » sociale, idéologique, étatique, familiale et religieuse du monde d’hier. Voilà qui indigne l’historienne Michela Nacci. À l’occasion de la sortie en Italie de S’acheter une vie, elle souligne l’acuité du regard du grand intellectuel sur nos pathologies sociales. Mais elle met aussi en évidence des généralisations abusives et, plus profondément, une nostalgie du monde ancien qui empêche Bauman d’aller jusqu’au bout de sa tentative de décryptage de l’ère « liquide ».

Le monde que décrit Zygmunt Bauman dans ses nombreux livres a pour caractéristique première d’être « liquide ». L’Amour liquide, La Vie liquide, Le Présent liquide : le terme revient dans le titre de la plupart de ses essais récents. Et le concept de liquidité est omniprésent aussi dans les textes qui n’y font pas ouvertement allusion, à l’instar du dernier ouvrage du sociologue, S’acheter une vie. Il en est la raison d’être. Qu’entend-il par « liquide » ? Quelque chose comme « postmoderne » : ce monde, cette époque, ce paysage, cette condition humaine en somme, ont vu disparaître les certitudes, la matérialité, les concepts clairs et distincts et le cours linéaire de l’histoire qui caractérisaient le « vieux » monde moderne. La société où nous vivons désormais, assure Bauman, n’a presque plus rien de commun avec celle qu’avait forgée la modernité économique, scientifique, technologique, industrielle et culturelle. Elle est marquée par la production immatérielle, la disparition de la classe ouvrière – et des classes sociales en général –, la crise des conceptions traditionnelles de l’État et de la souveraineté,...
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S’acheter une vie de La pensée liquide de Zygmunt Bauman, Chambon

ARTICLE ISSU DU N°5

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