Publié dans le magazine Books n° 53, avril 2014. Par Stephan Speicher.
Non, la catastrophe de 14-18 n’était pas écrite d’avance, résultat inévitable d’un engrenage de rivalités et d’alliances. C’est la thèse iconoclaste d’un historien allemand qui souligne le rôle du hasard dans le cours des événements. Mais qui rappelle aussi la responsabilité des acteurs, avant et pendant la guerre. à commencer par la population du Reich, totalement immature et chauffée à blanc par des intellectuels inconscients.
L’intérêt des Allemands pour la Première Guerre mondiale ne cesse de croître. Longtemps, pour des raisons évidentes, elle fut éclipsée par la Seconde. 1945, ou plutôt les conférences de Yalta et de Potsdam, était considérée comme la réponse à 1914. Le monde européen d’avant guerre semblait avoir – du moins politiquement – disparu. En 1919, Stefan Zweig se trouvait par hasard à la gare de Feldkirch lorsque Charles de Habsbourg partit pour l’exil en Suisse. Derrière la fenêtre d’un wagon, il reconnut le visage du souverain. « Je sursautai : le dernier empereur d’Autriche, l’héritier de la dynastie des Habsbourg, qui avait régné sept siècles sur le pays, quittait son royaume. »
C’était, pour reprendre le titre de l’autobiographie de Zweig, « le monde d’hier ». Sauf qu’aujourd’hui nous n’en sommes plus si sûrs. Les monarchies ont disparu, mais la question des Balkans a resurgi, avec le problème des nationalités. Le combat pour l’Ukraine impose des missions que, jusqu’en 1989, l’Europe ne connaissait pas. Et la Chine ne serait-elle pas « dans la même position que l’Allemagne wilhelmienne »,...