Publié dans le magazine Books n° 83, mai / juin 2017. Par Baptiste Touverey.
Les arbres sentent, souffrent, communiquent. Un forestier allemand nous plonge dans leur monde fascinant.
C’est l’une des plus belles scènes de
Tête d’Or, de Paul Claudel. Simon Agnel, le héros de cette pièce de jeunesse, excessive et géniale, s’adresse à un arbre. Il n’est encore qu’un vagabond, mais bientôt il usurpera un trône et partira à la conquête du monde. Sa métamorphose a lieu précisément au pied de celui qu’il appelle son « père immobile ». Agnel veut obtenir de lui le « mot » qui le révélera à lui-même. Il y parvient à l’issue d’une prodigieuse assimilation avec le grand arbre qui lui fait face, cet être à la fois éminemment terrestre et cosmique, cet « effort continuel », ce « tirement assidu […] hors de la matière inanimée », comme il le décrit : « La terre inépuisable dans l’étreinte de toutes les racines de ton être/ Et le ciel infini avec le soleil, avec les astres dans le mouvement de l’Année/ Où tu t’attaches avec cette bouche, faite de tous tes bras, avec le bouquet de ton corps, le saisissant de tout cela en toi qui respire/ La terre et le ciel...