Jusqu’où donner ?
Publié le 22 juin 2015. Par la rédaction de Books.
Zell Kravinsky est-il un exemple à suivre en cette journée nationale du don d’organes ? Il y a quelques années, cet Américain a commencé par donner toute sa fortune – soit 45 millions de dollars – à des œuvres caritatives. Non content de ce geste, il a ensuite offert un rein à une jeune femme en attente de greffe. Il était décidé à se séparer d’une partie de son foie, d’un morceau de poumon et de moelle osseuse, avant que son épouse ne l’arrête.
Obsédé par les statistiques, Zell Kravinsky a calculé qu’il avait une chance sur quatre mille de mourir à cause de cette ablation du rein, alors que sa bénéficiaire (qu’il n’avait jamais rencontrée) avait l’assurance à 100 % de succomber si elle ne recevait pas de greffe. Ne pas donner son rein aurait signifié pour Kravinsky que sa vie était quatre mille fois plus importante que celle d’une étrangère. Un ratio « indécent », a-t-il confié au philosophe australien Peter Singer. Dans The Most Good You Can Do, l’auteur controversé de La Libération animale (1975) développe la notion d’altruisme efficace. Nous avons tous, selon lui, le devoir moral de faire le plus de bien possible au plus grand nombre. Pour cela, nous pouvons chacun déterminer notre « point d’utilité marginale », c’est-à-dire le seuil au-delà duquel le coût d’une action altruiste excède, pour nous, l’avantage qu’en retire son bénéficiaire. Le philosophe avoue lui-même être encore loin du compte : son épouse et lui ne donnent « que » 30 % de leur revenu annuel, alors qu’ils pourraient, selon ses propres dires, faire beaucoup plus.