Jamais vraiment seul
Publié le 21 septembre 2018. Par La rédaction de Books.
Dans Leave no trace, un père et sa fille vivent dans les bois le plus loin possible de tout autre être humain. Mais ils reviennent régulièrement en ville, par pure nécessité. Le film de Debra Granik rappelle que la frontière entre civilisation et vie sauvage est loin d’être nette. Les expériences des Américains Henry David Thoreau et Christopher Knight ne montrent pas autre chose.
Knight a vécu 25 ans seul dans une forêt du Maine avant d’être débusqué par un garde-chasse en 2013. Pendant toute cette période, il n’a parlé qu’une seule fois à un autre être humain, un randonneur qu’il n’a pas pu éviter et a été obligé de saluer. Mais s’il a voulu se couper du monde, Knight en était pourtant complètement dépendant, note le journaliste Michael Finkel dans le livre qu’il lui consacre. Faute de pouvoir cultiver la terre, il se nourrissait en volant des provisions dans les maisons secondaires des alentours. Il y trouvait aussi de quoi se distraire : livres, jeux vidéo, radio. De son quart de siècle seul dans la nature, Knight ne tire d’ailleurs aucune réflexion philosophique. Il n’en retient que ses progrès en matière de techniques de survie et fait peu de cas des ermites célèbres, au premier rang desquels le solitaire américain par excellence le philosophe Henry David Thoreau.
Pourtant comme Knight, Thoreau n’est pas vraiment retourné à la vie sauvage. Pendant ces deux années (1845-1847) passées dans une cabane près de l’étang de Walden, il était loin d’être coupé du monde, rappelle le professeur de littérature Laura Dassow Walls dans une biographie récente. Il vivait tout près d’un village, sa sœur faisait sa lessive et il invitait régulièrement des amis. Un chapitre de Walden ou la vie dans les bois, livre tiré de son expérience, s’intitule d’ailleurs « Visiteurs ». Il y vante la bonne manière de recevoir. Pour autant, son œuvre a su capturer la relation complexe entre la nature et la solitude.
A lire dans Books : Dissidence sylvestre, septembre-octobre 2018.