Publié dans le magazine Books n° 47, octobre 2013. Par Walter Hausbrich.
Arrêtée et torturée par la police politique de Pinochet, la socialiste Luz Arce a fini par entrer à son service et dénoncer ses anciens camarades. Puis, après la chute du régime, par témoigner contre les tortionnaires. Publié il y a vingt ans au Chili, ce récit dérangeant sort enfin en France.
En 1991, Luz Arce racontait à une revue chilienne ses activités au sein de la police politique de Pinochet. Arrêtée parce que membre du Parti socialiste du président renversé, Salvador Allende, elle avait été torturée et finalement retournée. Ces révélations d’une victime devenue collaboratrice de ses bourreaux ont suscité un grand émoi au Chili, à une époque où pas une semaine ne se passait sans qu’on découvre de nouveaux crimes ou de nouveaux charniers. Luz Arce donnait les noms de généraux et d’officiers qui occupaient encore de hautes fonctions dans le Chili démocratique, et elle décrivait par le menu leurs forfaits. Ses souvenirs sont parus en novembre 1993 sous le titre
El Infierno, « L’Enfer ».
Luz Arce avait 26 ans lorsqu’en mars 1974 elle fut arrêtée lors d’une rencontre clandestine avec des amis du Parti. La Dirección Nacional de Investigaciones (Dina), la police politique de Pinochet, composée principalement de militaires, la crut d’abord membre du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR), un parti d’extrême gauche qui fut le seul à combattre activement le régime, les armes à la main,...