L’impossible repos de l’Homo Agitatus
Publié en juin 2020. Par Pauline Toulet.
Agitación, le nouveau livre du philosophe espagnol Jorge Freire, s’ouvre par une citation de Pascal : « Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre ». Ironie du sort, quelques jours après sa publication, l’épidémie de Covid-19 obligeait les Espagnols – et la majorité de la population mondiale – à demeurer, justement, enfermés à la maison. Et à en croire Jorge Freire, cet épisode a dû s’apparenter à un véritable supplice pour la plupart d’entre nous, qui sommes frappés du mal du siècle : l’impatience.
L'homme n'aime rien tant que de gesticuler
Notre époque marque l’avènement d’une nouvelle espèce, Homo Agitatus, qui n’aime rien tant que de gesticuler, satisfaire au plus vite ses moindres envies et se repaître de divertissements, explique l’auteur. Pourtant, « la civilisation, c’est l’écart entre un désir et son assouvissement. […] Apprendre à renoncer à la satisfaction immédiate des pulsions est au fondement de la culture », rappelle Jorge Freire dans le magazine El Cultural. Notre frénésie n’est qu’une stratégie d’évitement qui nous permet de nier notre contingence, souligne le philosophe. La récente période de confinement l’a bien montré, nous sommes prêts à tout – suivre des cours de zumba sur YouTube, apprendre à faire nos propres produits cosmétiques, binge-watcher des séries – pour ne pas avoir à réfléchir à notre condition, peu reluisante, de mortels.
L'ennui, antidote à l'agitation
« Le livre ne se contente pas de disséquer la culture de notre époque : après avoir posé le diagnostic, il prescrit des remèdes à nos maux », signale Gonzalo Gragera dans Diario de Sevilla. Et le principal antidote avancé par l’auteur, c’est l’ennui. Plutôt que de le fuir, nous devrions apprendre à l’apprivoiser, seule solution pour être « à l’aise dans nos baskets », explique Freire en interview. « Au lieu de faire une foule de choses, faisons celles qui en valent vraiment la peine », résume Rubén Caravaca Fernández dans le magazine en ligne El Asombrario, saluant un livre qui « montre l’importance de la philosophie à l’heure où l’agitation et la jouissance dominent nos vies ».
À lire aussi dans Books : Comment s’ennuyer intelligemment, mai 2020.