Publié dans le magazine Books n° 58, octobre 2014. Par François Deweer.
Le régime soviétique porte l’entière responsabilité de la Grande Famine des années 1930 en Ukraine. Mais il ne la recherchait pas. Cette catastrophe, fruit d’une politique absurde, a frappé avec la même intensité les autres régions céréalières de l’URSS. La thèse du génocide par la faim qu’aurait provoqué Staline contre le nationalisme ukrainien ne résiste pas à l’examen. Elle nourrit pourtant toujours le ressentiment à l’égard des Russes.
Viktor Kondrachine est un historien russe spécialiste de l'URSS. Il enseigne à l’université de Penza.
Les Ukrainiens sont habités par un souvenir tragique, celui de la terrible famine qui ravagea la région au début des années 1930. Pour beaucoup, l’« Holodomor (1) » était un véritable génocide, voulu par Staline. D’où vient cette thèse ?
Elle s’est répandue à partir du début des années 1980, cinquante ans après les faits, quand des militants de la diaspora ukrainienne aux États-Unis, soutenus par le président Reagan, ont obtenu du Congrès la création d’une commission d’enquête sur le sujet. C’est le moment où, au lendemain de l’invasion soviétique de l’Afghanistan, l’URSS est rebaptisée l’« empire du mal ». Le thème de la famine en Ukraine vient servir ce slogan. Rappelons que, même pendant la Seconde Guerre mondiale, l’Organisation des nationalistes ukrainiens, qui menait le combat pour l’indépendance de l’Ukraine, n’avait pas exploité le thème de l’Holodomor. Celui-ci n’a vraiment surgi qu’à l’occasion de la «...