Publié dans le magazine Books n° 43, mai 2013. Par Sönke Neitzel.
Face à la détermination et aux exactions des soldats soviétiques, la Wehrmacht, qui n’avait rencontré nulle part pareille résistance, multiplie les crimes de guerre. Deux millions de soldats de l’Armée rouge périront aux mains de leurs geôliers allemands entre juin 1941 et le printemps 1942. C’est cette violence extrême qu’évoquent ici entre eux les officiers de la Wehrmacht, mis sur écoute par les Alliés après leur capture.
Lorsque les combats débutèrent en Union soviétique, le 22 juin 1941, on ne tarda pas à constater que les incitations à la dureté n’étaient pas sans conséquence. Dès le premier jour, la Wehrmacht mena le combat avec une grande brutalité. Dans certains secteurs, « l’image d’innombrables cadavres de soldats [soviétiques] […] allongés au bord de la route de marche, qui, désarmés, les mains levées, avaient de toute évidence été exécutés à bout portant d’une balle dans la tête », devint une réalité massive. Il y eut un facteur décisif dans le déclenchement de cette violence extrême : l’image d’une Armée rouge combattant avec cruauté, que l’on enseignait dans les manuels allemands, sembla très rapidement se confirmer dans les faits : dès le premier jour de la guerre, les forces soviétiques menèrent elles aussi une lutte qui se situait au-delà du droit international et des usages ouest-européens de la guerre.
Les anecdotes portant sur ce sujet élevaient au niveau du fantastique la violence factuelle : « Je l’ai vu moi-même en Russie, raconte le lieutenant Leichtfuss : six soldats allemands la langue...