Heureusement, Homère était aveugle

Un livre peut en cacher un autre. Ainsi, l’ouvrage savant du philologue américain Albert Bates Lord doit en bonne part sa survie à l’asile que lui a donné Le Dossier H, très singulier roman d’Ismaïl Kadaré (1). Kadaré agrippe son lecteur avec de plaisants ingrédients typiques de sa patte : une bourgade pathétique et pluvieuse, au fin fond de l’Albanie de l’entre-deux-guerres ; des politiques d’un machiavélisme oriental exemplaire ; une Bovary, la femme du gouverneur ; des barbouzes obstinés et flagorneurs. À quoi il faut encore ajouter, en toile de fond, l’espionnite saugrenue du régime du roi Zog, derrière laquelle on devine la sinistre paranoïa d’Enver Hodja. Et puis, pour déclencher la réaction chimique du roman, il suffira que deux universitaires fassent irruption dans l’improbable bourgade, des Irlandais naïfs et flegmatiques qui se soucient uniquement d’enregistrer les chants épiques des derniers rhapsodes albanais. C’est alors que Lord, éminent philologue, prend le relais du romancier, et que s’opère un glissement vers une ambitieuse réflexion sur la technique poétique. Pourquoi donc les jeunes chercheurs sont-ils en effet venus...
LE LIVRE
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Le Dossier H de Heureusement, Homère était aveugle, Fayard

ARTICLE ISSU DU N°60

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