Publié dans le magazine Books n° 98, juin 2019.
L’essai de Christophe Guilluy sur le crépuscule des élites vient d’être traduit en anglais. Un livre prémonitoire, où le géographe anticipait le mouvement des «gilets jaunes», notent les médias anglo-américains.
Il n’y a pas qu’en France que les « gilets jaunes » déconcertent. « Même dans un pays où les manifestations sont un rituel de la vie publique, la violence et les invectives du mouvement a laissé le gouvernement abasourdi », constate dans
The New York Review of Books le correspondant à Paris du
Washington Post, James McAuley.
Mais, plus qu’un mouvement de protestation, c’est une jacquerie moderne, ajoute-t-il en employant le mot français. Une jacquerie dirigée contre l’élite. Cependant, si « l’histoire de France depuis 1789 peut être lue comme une série de mouvements anti-élite, les “gilets jaunes” n’ont pas de véritable précédent ». Contrairement à la Commune ou même au poujadisme, par exemple, c’est un mouvement « foncièrement apolitique, et qui le revendique. Ni programme ni hiérarchie ni communication organisée ». En ce sens, il se distingue aussi du Mouvement 5 étoiles en Italie.
Comment l’expliquer ? Même si les plus riches se sont encore nettement enrichis récemment, la France n’est pas un pays pauvre ni inégalitaire, si on la compare aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Ici, l’État-providence...