Gauguin, sale colonialiste ?
Publié dans le magazine Books n° 123, janvier-février. Par Baptiste Touverey.
Au printemps 2022 s’est tenue dans l’Alte Nationalgalerie de Berlin une exposition consacrée à Paul Gauguin. L’un de ses buts, comme l’annonce le catalogue : « démasquer » le peintre. Lui qui s’est toujours présenté comme un réfractaire à l’ordre établi n’était au fond qu’un vulgaire colonialiste, un pédophile abusant de jeunes Polynésiennes, bref, un imposteur. Sans nier qu’il y ait eu chez Gauguin une certaine « hypocrisie » et qu’il ait « profité du régime auquel il prétendait échapper », l’historien de l’art Hanno Rauterberg juge, dans Die Zeit, réductrice cette manière si contemporaine d’envisager les choses. C’est, selon lui, ignorer l’« ambivalence » des tableaux du maître, leur « caractère énigmatique ». « Pourquoi, s’interroge Rauterberg, laisse-t-il deux Tahitiennes accroupies sur la plage prendre un air si résolument rébarbatif ? Que signifie la boîte d’allumettes posée à leurs pieds, qu’est-ce qui doit être allumé ? Et pourquoi ne sont-elles pas nues comme au paradis, mais portent-elles des vêtements occidentaux, à...